Le nihilisme et l'éternalisme :

 

 

 

 

 

qu'est-ce qui se cache derrière ces fausses idées?

 

 

Comme je l'avais promis, je vais présenter maintenant le nihilisme et l'éternalisme – deux visions erronées que le bouddhiste doit éviter à tout prix. Avant de commencer, je préfère vous avertir que ce que je vais dire ne reflète que ma compréhension actuelle et donc mon discours ne doit pas être accepté aveuglement.

 

Alors, qu'est-ce que c'est le nihilisme? Il est possible de trouver différentes définitions. Au XIXe siècle il existait même un mouvement politique portant ce nom. Mais je voudrais plutôt me concentrer sur le nihilisme tel qu'il est décrit du point de vue du bouddhisme. Le nihilisme est tout simplement l'idée que les choses se produisent d'une manière aléatoire et sans raison précise.

 

Quelqu'un répliquerait de suite que personne ne croit à cela, ce qui rendrait la discussion sur ce sujet inutile. Oui, il est vrai que, par exemple, dans le domaine de la science, on parle de lois et de conformité à ces lois et que, donc, il ne s'agit pas de nihilisme. Même en ce qui concerne notre vie quotidienne, nous savons fort bien que si nous ne mangeons pas, nous aurons faim, qui si nous infligeons un mauvais traitement à quelqu'un, il est probable qu'il nous rende la monnaie de notre pièce et... Stop! Voila le sésame: « il est probable ». Il s’agit d’une probabilité, d’un élément aléatoire et la science, elle aussi, utilise beaucoup les probabilités ; en fait, nous faisons tous appel aux probabilités et nous disons que ceci est plus probable et que cela l'est moins. Autrement dit, nous croyons tous plus au moins au hasard. Ceci est particulièrement amusant quand il s'agit de la science – les scientifiques, d'un côté, recherchent et prouvent l'existence de différentes lois naturelles et de l’autre, ils croient au hasard et ils le prennent en considération lors de leurs expériences. En fait, si nous ne pouvons pas expliquer un phénomène, que nous n'avons pas trouvé la raison de son existence, nous le considérons comme aléatoire.

 

Que dit dans le bouddhisme à ce propos? Il dit que tous phénomènes (appelés « dharma ») sont le produit de certaines causes. Ce que nous sommes et ce qui nous arrive est le résultat de nos pensées, de nos paroles et de nos actions, en sorte que chaque conséquence à son tour devient la cause d’une autre conséquence. Il n'y a donc aucune place pour le hasard, ce qui, par contre, ne signifie pas que tout est prédestiné. A tout moment nous sommes capables de modifier notre futur karma, c’est-à-dire ce qui nous arrivera à l'avenir – même si nous ne pouvons pas éviter le remboursement des dettes que nous avons accumulées. Néanmoins nous sommes capables d'influencer la « taille » des fruits karmiques présents en ce moment. Autrement dit, nous ne pouvons pas éviter de rembourser nos dettes, mais le montant du taux d'intérêt ne dépend que de nous. Nous pouvons utiliser la métaphore suivante : les graines que nous avons semées donneront les fruits correspondants, mais la taille de ces fruits dépendra de la fertilité du sol et de la quantité d'eau et d'ensoleillement.

 

Que signifie « avoir une vision nihiliste par rapport à l'enseignement du Bouddha » ? Cela veut dire tout simplement que l’on croit que, sans observer les préceptes, c’est-à-dire en causant du tort aux autres (par exemple, en mangeant de la viande, en mentant, en volant, en commettant l'adultère ou en prenant des produits enivrants comme l'alcool), nous arriverons cependant d'une manière ou d'une autre à avancer dans notre pratique. Cela peut encore signifier, comme le croient les lamaïstes, c’est-à-dire ceux qui étudient le « bouddhisme » tibétain, qu'un rinpoche ou un lama sont autorisés à manger de la viande ou à entretenir des rapports adultérins sous prétexte que ce sont des êtres « très avancés », et que tout ceci n'a pas d'effet néfaste sur eux, ce qui est évidemment complètement absurde. Certains pensent qu’il suffit d’analyser et de pratiquer la méditation, mais sans observer les préceptes, pour atteindre l'illumination. D'autres prennent les préceptes, mais ils les brisent par la suite et prétendent alors que cela ne pose aucun problème. Il se peut qu'on n'arrive pas à observer un précepte à un moment donné, mais ce qu'on doit faire est de se repentir et d'essayer d'améliorer notre pratique, et certainement pas de prétendre que tout est normal.

 

Et maintenant, qu'est-ce que c'est l'éternalisme? Du point de vue bouddhiste, l'éternalisme consiste à croire que le corps physique ou la personnalité, c’est-à-dire les pensées et les idées, peuvent être éternels.

 

Et qu'est-ce que cela veut dire en pratique? Par exemple, si quelqu'un croit qu'il existe une entité éternelle, un esprit qui aurait tout créé, eh bien, cette personne est sans aucun doute un éternaliste. On peut qualifier également d’« éternaliste » la vision selon laquelle une personne pourrait obtenir un corps impérissable et rester éternellement en un endroit précis.

 

Ce qui aurait pu être amusant si ce n'était pas aussi néfaste pour l'enseignement du Bouddha, c’est que, chez les lamaïstes, c’est-à-dire les disciples du « bouddhisme » tibétain, en plus des idées nihilistes, nous retrouvons également des idées éternalistes. Par exemple, les « bouddhistes » tibétains ont plaisir à évoquer le corps d'arc-en-ciel, qui serait d'après eux un corps éternel. Ils croient encore qu'à travers la méditation ils pourront atteindre un état de conscience éternel, ce qui, bien entendu, est absurde. Quand nous méditons, nous entrons dans un état particulier, ce qui implique donc que cet état a un début et une fin : il y aura nécessairement un moment où nous sortirons de notre état de méditation.

 

Bien sûr, je ne prétends pas que c'est facile. En règle générale, l'être humain n'arrête pas de passer du nihilisme à l'éternalisme et vice-versa. C'est la raison pour laquelle le Bouddha Sakyamuni a, pendant de nombreuses années, évoqué et enseigné le chemin du milieu qui est au-delà des extrémités. Ce qui nous reste est de suivre son enseignement, son dharma et d'essayer de trouver ce chemin du milieu en évitant les pièges du nihilisme et de l'éternalisme.