La pratique du nectar « bdud-rtsi»

La méthode du «nectar»,  en sanskrit : Amrita et en tibétain : bdud-rtsi (བདུད་རྩི།) .

Qu’est-ce que c’est cette méthode du nectar ? il s’agit d'abord d’expliquer comment obtenir ce « nectar ».

Il existe deux types de nectar dans ce monde, et ils sont comestibles : le premier est le nectar  destiné aux humains et le second est le nectar destiné aux dieux du monde du désir (« kama-loka » en sanskrit). Les dieux du monde du désir sont des êtres qui possèdent des pouvoirs; ils sont invisibles à nos yeux et vivent plus longtemps et généralement mieux que les êtres humains.

 

Le nectar destiné aux êtres humains se compose principalement d'aliments et d’herbes. Ces aliments sont mélangés avec un peu de beurre au lait de vache et/ou de chèvre, et accompagnés d'herbes raffinées en poudre. Dans le bouddhisme tibétain ce genre de nectar est parfois mélangé à d’autres aliments incroyables. Pourquoi les appelle-t-on des aliments incroyables? Simplement parce que vous n’arriverez jamais à imaginer ce qu’ils sont. Ces suppléments sont appelés dans le bouddhisme tibétain le grand et le petit arôme. Le grand et le petit arômes sont respectivement les matières fécales et l'urine du gourou tibétain. C’est parce que vous ne l'auriez jamais deviné, qu’on les appelle « incroyables », et non pas parce qu'ils sont subtils.

 

Le grand arôme et le petit arôme sont mentionnés dans les écrits de Tsongkhapa[1]. Les critères nécessaires pour fabriquer les arômes étaient beaucoup plus stricts par rapport aux maîtres lamaïstes actuels. Tsongkhapa écrivait ceci: « Si vous voulez être un gourou, vos selles et votre urine doivent sentir bon." C’est pour cette raison qu’on les appelle petit arôme et grand arôme.


Si les résidus du gourou sentent mauvais, alors vous ne devriez pas prendre cet homme comme gourou. C’est la condition requise par la tradition du bonnet jaune, qui se fonde sur l'enseignement suprême de Tsongkhapa. Le yogi C.M. Chen  dans son écrit  « Yogi Chen’s Works » mentionne également le nectar tibétain en expliquant le  raffinage du nectar sous forme de petits comprimés, parfois ajouté du grand ou du petit arôme  ( « Yogi Chen’s works », Volume III).

 

Dans le livre « Lamdre» de l’école de Sakyapa (une école de lamaïsme tibétain), il est écrit que le grand arôme est mélangé avec du miel. Une fois qu'une personne est à jeun, elle doit manger un peu de nourriture et récupérer ensuite ses propres excréments. Elle doit alors les étaler sur une table en pierre pour les faire sécher au vent. Les excréments sont mélangés avec du miel, du beurre et un peu d'eau, puis séchés sur un petit feu. La personne récupère finalement quelques boules qui ont la forme et la taille des excréments de moutons.  Les boules sont ensuite conservées au sec pendant un certain temps.

Ces boules doivent être consommées  le matin.

Il y a deux façons de les consommer. L'une d'elles est la suivante: telle personne doit suivre cette pratique pendant au moins un an, jusqu'à ce que son corps soit bien taillé, et qu'ainsi ses tendons et ses muscles soient bien modelés; par ailleurs, il faut que la personne soit en bonne santé, et qu'elle n'éprouve jamais la sensation d’avoir faim. Le lamaïsme pense qu'en agissant de la sorte, cette personne aura avancé dans sa pratique du bouddhisme. Ces boules sont les nectars du chemin de bodhisattva.

 

Le deuxième nectar est consommé par les dieux dans le monde du désir. Le nectar est leur nourriture quotidienne. Cela n'a rien d'extraordinaire. De même que le nectar du monde humain est préparé avec du lait, du beurre et du miel, ce qui les rend croustillants et leur donne un goût absolument délicieux, le nectar des dieux est préparé également avec les meilleurs aliments du ciel.  Pour les dieux, le nectar est un aliment de base. Pourquoi leur est-ce une nourriture essentielle ? Je vais vous expliquer ses caractéristiques, si bien qu'ensuite vous ne pourrez plus être abusés par des hérétiques.

 

Le nectar est un aliment basique dans les 3 mondes (monde du désir, monde de la forme et monde de l’immatériel). Pourquoi Bouddha et les bodhisattvas devraient nous enseigner qu’il faut nous  nourrir de cet aliment basique pour avancer dans notre pratique? C’est illogique.

 

Le Bouddha sait très bien que le nectar provient du monde du désir. Il ne demanderait donc jamais aux disciples de le consommer. Il ne dirait pas non plus aux disciples qu'il est obligatoire de l’obtenir et d’en consommer pour avancer dans la pratique du dharma et sur la voie du bodhisattva. Il sait très bien en effet que le nectar est une nourriture basique pour ces dieux du monde du désir. Alors, certaines personnes vont me demander : « Vous, comment expliquez-vous que le nectar provienne du monde du désir ? » Je dois vous expliquer que la façon dont on obtient le nectar n’a pas d’importance. Est-ce que le nectar est comestible ? La réponse est « OUI, sûrement ».  Est-ce que le nectar peut dégager une odeur ? La réponse est également « OUI ».  Lorsque vous le mangez, sentez-vous son goût ou pas ? La réponse est encore « OUI ». Le goût du nectar est doux et agréable, comme celui d’autres aliments. Le nectar est un aliment, il possède des couleurs et une odeur, on peut le toucher et quand on le mâche, cela s’entend. Les sensations qu’il dégage peuvent être classées selon cinq sens. Il y a six capteurs de perception (la vue, l’ouïe, le goût , l’odorat, le toucher et la perception du Moi). Chaque capteur forme une perception dans le cerveau, et chaque perception forme ensuite une conscience. En d’autres termes, les six capteurs de perception donnent naissance à six sens, qui forment ensuite six consciences. Cela correspond aux dix-huit éléments du dharma (le Bouddha explique que ces dix-huit éléments font partie du monde du désir). Il est nécessaire, pour consommer le nectar, de posséder les dix-huit éléments. Par conséquent, le nectar provient bien du monde du désir.  (D’autres explications vont suivre).

 

Quand un monde comporte ces dix-huit éléments de dharma, il s'agit forcément du monde du désir. Le monde de la forme (en sanskrit : rûpa-loka) a six éléments de moins à sa disposition. Les dieux du monde de la forme n'ont pas besoin de nourriture physique, mais ils se nourrissent de la satisfaction obtenue par la méditation dhyana (concentration profonde pendant la méditation), c’est-à-dire qu’ils se nourrissent de la joie acquise grâce à cette méditation. C’est ainsi que se nourrissent les dieux dans le monde de la forme.

 

Dès le premier jour où les dieux arrivèrent dans le monde de la forme, ils furent différents des dieux du monde du désir:  les dieux du monde du désir ont toujours leurs organes internes, ils ont besoin de manger des nectars pour maintenir en vie leur corps physique. Cependant les dieux dans le monde de la forme, dès le premier jour, n'avaient pas d'organes internes, donc ils n’avaient pas besoin de manger des nectars. Si vous atteignez un jour le premier niveau de dhyâna à travers la méditation, vous verrez que c'est comme sortir de son corps et entrer dans son nouveau corps, un autre corps qui est comme les nuages du ciel, mais plus léger encore. Ce corps est un peu comme un brouillard blanc très épais. Il possède encore des organes internes. Les dieux du monde de la forme ne mangent pas de nourriture cependant, ils n'ont pas de système nerveux lié à la langue, ils ne peuvent sentir. Autrement dit, leur langue n’éprouve pas la sensation du goût, bien qu'ils conservent néanmoins cet organe. Mais leur langue n'identifie pas le goût. Les dieux dans le monde de la forme, ces dieux n'ayant pas la propriété du nez de sentir les choses. Leur nez ne peut pas sentir d'odeurs, ils conservent encore l'organe du nez et ont une apparence qui continue d'être très beau.

 

 Les dieux du monde de la forme n'ont pas cette fonctionnalité du nez de sentir pour une raison simple: ils n'en ont pas besoin. Les propriétés de la langue et du nez sont conçues pour profiter de la vie dans le monde du désir. Il faut manger pour goûter de la nourriture et sentir l'odeur  des aliments, et ensuite apprécier la nourriture. C’est ainsi chez les dieux du monde du désir, comme dans notre monde : ils perçoivent le parfum, la douceur, et d'autres saveurs.

Les dieux du monde de la forme, eux, ne mangent pas, car ils n’ont pas besoin de se nourrir. Ils ne disposent donc pas des fonctions propres au nez et à la langue, puisqu'ils n’ont pas la conscience de l'odorat ni du goût. Les choses sont ainsi parce que, dans le monde de la forme, il n'y a ni goût ni saveur, puisque la nourriture n’existe pas.

 

Bien que le nectar soit délicieux, si vous invitiez les dieux du monde de la forme à manger du nectar du monde du désir, pensez-vous qu'ils en mangeraient? Ils n’en voudraient pas. Les corps des dieux du monde de la forme restent en effet toujours dans un état de méditation. Ils n'ont donc pas besoin de nourriture du monde du désir. Pourquoi n’ont-ils pas envie de  manger ce nectar? Simplement parce qu’ils savent bien que le nectar du monde du désir est très limité, et que si jamais ils en mangeaient, ils reviendraient au niveau du monde du désir, éprouvant du désir. Ils ne pourraient donc plus rester tranquilles dans leur monde de la forme.

Les Bouddhas et Bodhisattvas étant conscients de cette vérité, pensez-vous qu’ils vont conseiller aux pratiquants bouddhistes de manger du nectar? Bien-sûr que non. Les Bouddhas ne feront pas cela, car manger ce nectar revient à demander aux pratiquants de descendre d’un niveau. C’est évident, et il est clair pour vous désormais que si une personne quelconque déclare que son nectar vient d’un Bouddha ou d’un Bodhisattva, cette personne est superstitieuse, et qu’elle ne comprend pas l'essence du Dharma.



[1]     Tsongkhapa : (1357-1419) (Tsongkhapa était un des maîtres les plus importants du lamaïsme tibétain ; il est né près d'Amdo au Tibet et a fondé la tradition Gelugpa ou « Tradition du bonnet jaune »)